Le 8 juin 2019 était la journée internationale des océans. Pour cette occasion, nous avons pu réaliser une interview avec Benoît Schuman, fondateur de l’association Project Rescue Ocean à Béziers (34). Avec près de 18 000 abonnés sur Facebook, il nous invite à “donner un nouveau regard sur le respect de l’environnement”.
Bonjour Benoît, pouvez-vous nous parler de Project Rescue Ocean? Quel a été l’élément déclencheur qui vous a poussé à mettre en place ce projet?
Ancien sapeur pompier du Sud de la France spécialisé dans les opérations subaquatiques, et également sauveteur en mer, lorsque je fermais le poste de secours en été, je voyais beaucoup de déchets sur la plage, des mégots de cigarette plantés dans le sable… J’ai constaté qu’en plongeant sous l’eau, on avait plus de chances de tomber sur des déchets plutôt que sur une belle daurade. J’ai donc commencé à filmer mes plongées avec une caméra Go Pro, et je les ai publiées sur les réseaux sociaux de manière anonyme, et en deux ans, plus de 2000 personnes se sont abonnées pour suivre ce que je postais.
On m’a proposé de travailler pour des associations comme SeaShepherd, mais j’ai préféré monter ma propre association, avec sa petite touche française: effectivement, dans un anglais correct, mon association devrait plutôt s’appeler “Ocean Rescue Project”! (rires). Aujourd'hui, nous sommes soutenus par la Fondation Albert II de Monaco, Guillaume Canet, Bernard Montiel, Shaka Ponk...
Quels sont selon vous les plus gros risques encourus pour la planète et les océans si nos habitudes n’évoluent pas?
Le problème est la méconnaissance, les gens n’écoutent plus “l’écologie”, dont l’aspect est trop politique. Nous rencontrons des personnes de 20 ou 30 ans qui ne connaissent pas le cycle de l’eau, et notre but est de les aider à refaire cette éducation et les sensibiliser, montrer l’impact sur la faune et la flore, mais sans être moralisateurs. Chacun doit faire ce qu’il peut à son échelle. Par exemple, depuis 4 ans, nous avons déjà vendu plusieurs milliers de cendriers de plage.
Opération de nettoyage du 8 juin 2019.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les actions que vous mettez en place, que ce soit les opérations de nettoyage ou la prévention auprès des enfants?
La procédure est toujours la même: nous faisons un appel sur les réseaux sociaux, grâce à nos partenaires, nous pouvons proposer des activités sur place, de quoi manger et boire: du café, de la bière, des bonbons… Les opérations de nettoyage ne durent pas plus de deux heures, le principe est que tout le monde puisse participer, petits et grands. On ne parle pas d’écologie, un terme qui se réfère trop à la politique, mais bien d’éco-citoyenneté. Il s’agit de lier l’utile à l’agréable, fédérer et déplacer du monde, le but n’est pas d’être zéro déchet, qui est un idéal difficilement atteignable. Spécialement pour les enfants, nous organisons aussi des opérations dans les écoles, où l’on délivre des diplômes “Sauveteur des océans” (939 diplômes distribués depuis janvier 2019). En 2018, nous avons ramassé 20 tonnes de déchets, et 17,5 tonnes depuis janvier 2019, sur les plages, dans les rivières et sous l’eau. Nous envoyons également à nos antennes dans le monde, des colis de sacs pour pouvoir ramasser les déchets, et des tutos pour faciliter les collectes. Nous avons également créé un livre pour enfants au regard optimiste.
Que faites-vous pour vous adapter au public que vous voulez sensibiliser, à savoir principalement des jeunes?
Ce n’est pas compliqué, il faut moderniser les opérations et la prévention, toucher les centres d’intérêts des personnes: la gastronomie pour certains, mais pour les jeunes c’est surtout le sport et la mode. Récemment, j'ai rencontré Antoine Griezmann, dans le cadre d'un programme mené par Head & Shoulders avec Project Rescue Ocean comme association pilote, pour créer un prototype de bouteille en plastique recyclé de plage. Nous sommes soutenus par des joueurs de rugby du Top 14: Louis Picamoles (Montpellier), Yohann Huget (Toulouse) et plus généralement par MHR (Montpellier Hérault Rugby). Ce sont de très bons exemples pour les jeunes qui s’identifient à eux. Cette année, nous avons également monté les marches du festival de Cannes aux côtés de l’actrice Émilie Ascensao, qui portait une robe faite en filet de pêche.
À droite, Benoît Schuman, fondateur de l'association, en compagnie d'Antoine Griezmann.
Project Rescue Ocean a des antennes tout autour du monde, comment expliquez-vous l’engouement autour de votre association, et plus largement autour des opérations de protection des océans?
Nous avons des antennes à Marseille, Paris, en Corse, à Bordeaux, l’Île Maurice, Hawaii, Bali, au Qatar, au Maroc, en Côte d’Ivoire… En fait, tout le monde se sent concerné, et nous restons simples. Il faut rester au niveau des citoyens, parler de choses normales et simples, montrer et donner les moyens d’agir. Nous sommes également une association 100% bénévole.
Avez-vous constaté un changement des mentalités depuis la création de votre association? Qu’est-ce qui vous motive à continuer votre combat?
En effet, les choses bougent: nous arrivons aujourd’hui à rassembler plus de 1000 personnes sur les opérations de nettoyage, contre environ 60 personnes à nos débuts, ce qui était déjà remarquable d’ailleurs. Les interventions dans les écoles me motivent à continuer: un enfant sensibilisé devient un adulte responsable.
Pensez-vous qu’il soit possible de concilier la navigation de plaisance avec le respect de l’environnement? Si oui, quels conseils pourriez-vous donner aux lecteurs pour les aider à parvenir à une navigation plus juste?
Bien-sûr que c’est possible! Comme je l’expliquais, le but n’est pas d’être dans l’extrême, et chacun a un rôle à jouer, il faut casser les codes: soutenir la pêche et les pêcheurs responsables, les thoniers de Méditerranée (ndlr: la pêche au thon rouge est soumise à quotas). La navigation a son rôle à jouer, il faut moderniser ce qui existe déjà, et encore une fois, tout le monde peut participer: la navigation n’empêche pas de ramasser les déchets, si chacun faisait l’effort de ramasser quelques déchets en mer, il y en aurait beaucoup moins.
Enfin, auriez-vous d’autres exemples de personnes ou associations qui montrent le même exemple que vous et dont chacun devrait s’inspirer selon vous?
Nous travaillons avec l’association Expédition 7ème continent, ils représentent le “volet scientifique” de notre démarche. C’est vers eux que nous nous dirigeons pour certaines questions plus techniques et scientifiques.
L’association organise sa prochaine opération de nettoyage le 6 juillet prochain au Cadre Royal, le canal de la ville de Sète. Canoës, paddles et plongeurs sont les bienvenus.
Le 11 juillet 2019, c’est la Soirée Rescue Ocean qui se déroulera à Béziers. C’est une soirée solidaire annuelle qui rassemblera plus de 1 500 personnes pour cette 4ème édition, pour faire la fête tout en respectant l’environnement. Dj, musiciens et chanteurs seront de la partie, et une tombola sera organisée. Un seul message: “Ensemble, prouvons que l'éco-citoyenneté et le respect de l'environnement sont accessibles pour tous".
Plus d’informations sur: projectrescueocean.org, sur la page Facebook Project Rescue Ocean, et sur Instagram.